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Natacha Atlas et Majid Bekkas

Natacha Atlas  © Jean-Luc Jennepin

Double plateau, dans le cadre du Festival Arabesques – Amphithéâtre d’O, Domaine d’O de Montpellier.

L’Amphithéâtre d’O est habillé de rose tyrien et bleu, couleurs soirée de fête. De grandes lanternes délimitent l’espace scénique. En contrebas, un dancefloor où le public peut descendre s’immerger dans les rythmes. La soirée est détendue, accueillante, le séisme n’a pas encore frappé le Maroc.

C’est un double plateau qui est proposé ce soir-là, deux parties se succèdent, l’une après l’autre. Au cours de la première, Majid Bekkas, musicien marocain et éminent représentant de la musique Gnawa, multi-instrumentiste, remplit ce bel espace, entouré de trois musiciens : Michael Homek au clavier, Manu Hermia au saxophone et au bansurî – une grande flûte traversière indienne classique, faite de bambou – Karim Ziad à la batterie qu’on retrouvera deux jours plus tard au cours de la soirée Gnawa/Festival d’Essaouira.

Majid Bekkas et Michael Hornek  © Jean-Luc Jennepin

Majid Bekkas est au chant et au guembri, un luth à trois cordes et à la caisse de résonance recouverte d’une peau, instrument emblématique des Gnawas, il joue aussi de la kalimba, petit instrument à percussions appelé sanza dans certains pays comme le Cameroun et le Congo, le public accompagne les rythmes, en tapant dans les mains, les phrases se répètent. Originaire de Zagora, au Sahara marocain, Majid Bekkas vit à Salé situé en face de Rabat. Il joue d’abord du bandjo et travaille sur des répertoires proches du chaâbi marocain, cet ensemble de genres musicaux populaires en vigueur depuis les années 1980 au Maroc, qu’on trouve dans les plaines atlantiques et le Moyen-Atlas. Puis il se familiarise avec les musiques du désert et les rythmes des danses issues des cultures arabo-berbères, de celles du désert et celles d’Afrique subsaharienne. Il se forme à la culture des confréries gnawas avec un maître musicien. Il apprend aussi la guitare et se passionne pour le blues de John Lee Hooker, BB King, Ray Charles, pour l’Afrique de Fela Kuti et Farka Touré, et travaille blues et musique soul. Il rencontre les grands musiciens de jazz au milieu des années 80 et joue sur les scènes internationales avec, entre autres, Louis Sclavis, Archie Shepp, Pharaoh Sanders, Randy Weston. Majid Bekkas mêle les influences blues, jazz et soul, aux sonorités de la musique Gnawa, ce qui marque sa musique de touches très personnelles. Il est à lui seul une sorte d’underground marocain.

Majid Bekkas et ses musiciens © Jean-Luc Jennepin

« Ma vie c’est la musique gnawa dans toute sa diversité, malaxée à sa large dimension africaine. »  Sa voix charismatique fait chalouper un public qui lui est fidèle, qui colle à la scène et danse. Le chanteur-musicien a de nombreux albums à son actif, il a reçu en 2016 le prix de l’Académie Charles Cros pour son album Al-Qantara. Sa présence est chaleureuse, la soirée est douce et rythmée.

La seconde partie du concert se passe en compagnie de Natacha Atlas, une voix reconnue dans le monde entier, mêlant les traditions vocales occidentales et moyen-orientales. Elle est accompagnée d’une pianiste éblouissante, Alcyona Mick, de Asaf Sirkis à la batterie, Andy à la basse, Hamill et Viola Bishai au violon et Hayden Powell à la trompette. Même lieu même dancefloor que précédemment, où se réunissent les plus inconditionnels des spectateurs.

Natacha Atlas et ses musiciens © Jean-Luc Jennepin

Chanteuse belge d’origine égyptienne par son père, juif égyptien aux ascendances palestiniennes, anglaise par sa mère, Natacha Atlas est née et a grandi d’abord à Bruxelles dans les quartiers de Schaerbeek et Molenbeek imprégnés de culture maghrébine, puis en Grande-Bretagne où elle est partie vivre avec sa mère à l’âge de huit ans. Elle chante essentiellement en langue anglaise et arabe, très à la marge, en français. Par l’éclectisme de son style, on la classe comme Interprète de musiques du monde. Elle commence sa carrière au sein du groupe anglais Transglobal Underground, créé à Londres en 1991. A la recherche d’une nouvelle image emblématique, la diaspora maghrébine la soutient. Elle sort en 1996 son premier album solo, Diaspora, une « invocation à mes racines » dit-elle, reçoit une Victoire de la Musique en France, en 1999, pour son interprétation et pour l’orchestration orientalisée de la chanson Mon amie la rose. Elle participe avec Samy Bishai à la musique du ballet Les Nuits, inspiré des Contes des Mille et une Nuits, chorégraphié par Angelin Preljocaj et présenté à Aix-en-Provence pour la manifestation Marseille-Provence 2013 – Capitale européenne de la Culture. Ibrahim Maalouf compose pour elle un album, Myriad Road, sorti en novembre 2015, aux tonalités jazz principalement et chanté en anglais.

Natacha Atlas défend l’altérité et la diversité, le rapprochement entre Orient et Occident. Longtemps, elle a eu du mal à se situer au regard de sa double culture. En 2001, on la nomme ambassadrice de bonne volonté de la Conférence des Nations Unies contre le racisme. Elle a enregistré une vingtaine d’albums, son chant est profond et sa voix chaude. Elle croise les traditions du jazz, sa voix en joue avec dextérité. Le concert qu’elle donne nous place au cœur d’une mélopée orientale tricotée à petits points avec l’intime, les inspirations magiques, le patrimoine, les variations de rythme, les airs latinos, les ballades. Elle travaille le métissage musical, portée par ses musiciens et leurs instruments et sait leur offrir des espaces où ils développent des thèmes en solo, dans l’expression de leur plaisir de jouer, et de notre plaisir.

Natacha Atlas et Alcyona Mick © Jean-Luc Jennepin

Le piano est particulièrement présent et dialogue avec la chanteuse, tous portent sa voix, son souffle et son répertoire d’un jazz oriental si particulier. Derrière sa présence, un peu lointaine et mystérieuse, par sa voix qui murmure, soliloque, dialogue, ou devient plus stridente, Natacha Atlas donne au public qui l’accompagne et la soutient la possibilité de se rencontrer sur le dancefloor. Belles rencontres. Belle soirée, en ses deux parties !

Brigitte Rémer, le 15 septembre 2023

Majid Bekkas © Jean-Luc Jennepin

En première partie : Majid Bekkas, guembri, kalimba, chant – Michael Hornek, clavier – Manu Hermia, saxophone, bansurî – Karim Ziad, batterie ; en seconde partie : Natacha Atlas, chant – Alcyona Mick, piano – Asaf Sirkis, batterie – Andy, basse – Hamill et Viola Samy Bishai, violon – Hayden Powell, trompette.

Vendredi 8 septembre, 21h, au Domaine d’O, entrée Nord, 178 rue de la Carrierasse, Montpellier – tramway T 1, arrêt Malbosc, bus n° 24 – T 2 Station Mas Drevon. Dans le cadre du Festival Arabesques, programmé du 5 au 17 septembre 2023, à Montpellier – Site : www.festivalarabesques.fr